Jeux d’horreur dans l’espace : une nouvelle vague ?

La conférence Summer Game Fest du 10 juin a clairement permis d’identifier une certaine tendance vidéoludique : celle des jeux vidéo d’horreur dans l’espace. En effet, pas moins de quatre jeux ont été identifiés comme correspondant à ce descriptif : The Callisto Protocol, dirigé par Glen Schofield à l’origine de la série Dead Space, Aliens: Dark Descent, Fort Solis et ROUTINE. Pourquoi un tel intérêt pour l’horreur spatiale ?

Horreur et espace, un thème déjà visité

Exemples de jeux d’horreur se déroulant dans l’espace

TitreAnnéeStudioNote MetacriticMetacritic UsersDuréeSupport
Dead Space2008Visceral Games85/1008.5/1012-15 heuresXbox 360, PlayStation 3, PC
Dead Space 22011Visceral Games92/1008.6/1012-15 heuresXbox 360, PlayStation 3, PC
Alien: Isolation2014Creative Assembly83/1008.1/1015-20 heuresXbox 360, Xbox One, PlayStation 3, PlayStation 4, PC
SOMA2015Frictional Games81/1008.1/105-6 heuresPC, Xbox One, PlayStation 4
SIGNALIS2022rose-engine81/1008.0/109-11 heuresPC, Xbox One, PlayStation 4, Nintendo Switch
The Callisto Protocol2022Striking Distance Studios69/1006,8/1010-12 heuresPC, Xbox One, PlayStation 4, PlayStation 5
*La durée indiquée concerne uniquement l’histoire principale et non le jeu à 100%.

Il ne s’agit évidemment pas des premières incursions de l’horreur vidéoludique dans le domaine de l’espace. On peut ainsi citer plusieurs jeux qui avaient concilié ces deux thèmes et qui m’ont personnellement marqué :

Dead Space, l’héritier spatial de Resident Evil 4 ?

Dead Space, déjà cité plus haut, est sorti en 2008 et a constitué l’une des premières références AAA dans le registre de l’horreur spatiale. Le jeu empruntait beaucoup au célèbre Resident Evil 4 : mobilité lourde, caméra à la troisième personne, armes à choisir et à améliorer, et même quelques mini-jeux de tirs. Dead Space parvenait tout de même à avoir une réelle personnalité déjà grâce à son thème de l’espace et ses monstres, à l’utilisation de la télékinésie, ou encore à ses zones sans gravité qui permettaient de flotter dans la salle.

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Isaac, le héros malheureux de Dead Space à la lutte contre un nécromorphe ©Visceral Games, Electronic Arts

Le jeu de Electronic Arts intégrait aussi le démembrement tactique, une logique à priori contre-intuitive consistant à viser les membres des ennemis (les nécromorphes) plutôt que leur tête. On pourra cependant noter que cette mécanique avait aussi été amorcée par Resident Evil 4, dans lequel certains ennemis pouvaient être affaiblis après un tir au genou, permettant d’enchaîner avec un suplex.

Dead Space aura droit à deux suites qui ne parviendront pas vraiment à renouveler intelligemment la saga, s’orientant de plus en plus vers de l’action frénétique au détriment de l’ambiance horrifique. Le second volet proposera cependant quelques séquences réussies. Passé 2013 et la sortie de Dead Space 3, la série sembla laissée à l’abandon jusqu’à l’annonce en 2021 d’un remake du premier Dead Space développé par Motive Studios.

Alien Isolation, cache-cache avec le xénomorphe

Alien Isolation, sorti en 2014, s’avère très fidèle au film originel de Ridley Scott sorti en 1979. On y contrôle Amanda Ripley (fille de) qui, après avoir appris que la boîte noire du vaisseau de sa mère avait été localisée, prend place à bord d’un équipage à destination du navire. Elle finira bien entendu par devoir se confronter seule à l’Alien et devra user de plusieurs stratagèmes pour éloigner celui-ci.

Dans Alien Isolation, un radar permettait de connaître (plus ou moins) la position de l’Alien ©The Creative Assembly, SEGA

Cette réalisation du studio The Creative Assembly était convaincante par plusieurs aspects : l’intelligence artificielle de l’Alien était par exemple particulièrement réussie. Si il était possible de distraire le xénomorphe à l’aide d’accessoires (fumigènes, bombes…), ce dernier se laissait de moins en moins berner à force d’avoir recours aux mêmes stratagèmes, ce qui donnait un certain aspect logique et organique au jeu. Certains passages nécessitant une parfaite discrétion et un brin de stratégie (liée notamment à la présence d’autres humains parfois agressifs) donnaient lieu à de vrais moments de tension. On pouvait cependant lui reprocher quelques problèmes de rythme, avec une introduction trop longue et un dernier tiers en-deçà du reste du jeu.

SOMA, horreur sous-marine

Si SOMA se déroule en plein océan, le thème de l’espace est pourtant bien présent dans ce jeu de Frictional Games. Simon, blessé au crâne suite à un accident de voiture durant lequel il a perdu sa femme, tente un traitement expérimental au cerveau et finit par se réveiller des années plus tard au sein d’une base sous-marine envahie par des monstres et des robots semblant dotés d’une conscience humaine. Au fur et à mesure de ses découvertes, il apprendra l’existence d’un mystérieux projet de sauvetage spatial cherchant à sauvegarder l’espèce humaine par l’intermédiaire de la technologie.

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©Frictional Games

Réalisé par le studio à l’origine de Amnesia, SOMA est surtout convaincant de par sa narration, son ambiance pesante, et les différentes questions philosophiques qu’il pose. Si le gameplay est simple (simpliste pourront dire certains), la tension y reste palpable et appuyée par le fait qu’il est bien entendu impossible de se débarrasser des monstres peuplant la station sous-marine. Le sound design et la direction artistique font aussi partie des grandes réussites du titre.

Signalis, un jeu horrifique futuriste

Le jeu indépendant Signalis, sorti en octobre 2022, se déroule aussi dans un univers spatial. On y interprète une replika au nom de Elster évoluant dans une station spatiale à l’abandon peuplée de monstres hostiles. Dans la plus grande tradition des survival-horror vieille école, le jeu intègre des mécaniques de jeu comme un inventaire limité, l’absence de sauvegarde automatique, ou encore des ennemis capables de revenir à la vie. Une expérience qui convaincra sûrement les amateurs de style horrifique rétro.

Un regain d’intérêt pour le jeu d’horreur spatial ?

Cette nouvelle vague de jeux d’horreur se déroulant dans l’espace peut déjà s’expliquer par le fait que le genre a su produire des titres convaincants, comme vu ci-dessus. L’inconnu propre à l’espace permet aussi de laisser cours à l’imagination des artistes, qui peuvent inventer des créatures dont la présence serait moins crédible sur le champ terrestre. SOMA a par ailleurs prouvé que la science-fiction horrifique pouvait proposer des pistes de réflexion intéressantes.

De plus, l’omniprésence ces dernières années du genre post-apocalyptique prenant place sur Terre (The Last of Us 1 et 2, Dying Light, Horizon, Fallout 4…) fait que celui-ci en deviendrait presque saturé de titres. Si le jeu vidéo s’accorde bien au post-apo, un énième jeu d’horreur où l’espèce humaine serait attaquée par une mystérieuse infection sonne en 2022 comme un air de déjà vu, encore plus depuis The Last of Us. Idem pour le thème des manoirs ou maisons « hantées », déjà très générique mais que Resident Evil 7 et 8 ont déjà investi avec succès dernièrement. L’espace, un refuge pour le jeu d’horreur qui ne sait plus où se placer ? Espérons dans tous les cas que ces derniers titres parviendront à tenir leurs promesses en termes de peur, et pourquoi pas apporter matière à réflexion.

Martin Karpinski

Trop trouillard pour jouer aux survival-horrors jusqu'à mes 18 ans. En 2008, Dead Space fut ma première porte d'entrée vers cet univers. J'ai depuis rattrapé mon retard, tant au niveau des classiques (Resident Evil, Silent Hill...) que des jeux indépendants. Si il me reste encore des lacunes, j'ai cependant créé ce site pour partager ma passion du survival-horror et certaines de mes réflexions. J'écris également pour le webzine Journal du Japon.

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