SOMA (PC, PS4) : le premier jeu d’horreur existentielle ?

Quelques années après la sortie de Amnesia : The Dark Descent (que je n’ai toujours pas fait), le studio suédois indépendant Frictional Games était attendu au tournant par une large communauté de joueurs. Si SOMA n’a pas fait autant parler de lui que son prédécesseur, il reste l’un des survival-horrors de ces 10 dernières années m’ayant le plus marqué.

 

SOMA, de quoi ça parle ?

On sent rapidement dans SOMA une volonté de raconter une histoire d’une certaine profondeur. Le joueur se met directement dans la peau de Simon Jarrett, jeune homme qui a perdu sa femme dans un accident de voiture et dont le cerveau a été endommagé. Il tente alors un traitement expérimental proposé par un certain docteur David Munshi. Notre cher protagoniste se rend au cabinet de ce dernier à la suite d’une introduction permettant de présenter brièvement les contrôles du jeu. Il est aussi possible de s’attarder sur les différents objets à disposition afin d’en savoir plus sur la vie du personnage principal, son appartement laissant plusieurs indices sur son histoire et son mode de vie.

Après l’opération et un long trou noir, Simon se réveille dans une improbable station sous-marine peuplé de monstres et de robots semblant doués d’une conscience humaine. Contraint de mener l’enquête, ses découvertes terrifiantes poseront des questions philosophiques profondes notamment sur le rapport entre l’homme et la technologie ainsi que sur le transhumanisme (rien que ça).

Un jeu porté par son histoire et son ambiance

Après cette introduction intrigante et habilement mise en scène, le joueur est rapidement mis dans le grand bain une fois arrivé dans la station appelée Pathos II. Quel est cet endroit ? Suis-je bien dans la réalité ou s’agit t-il d’une simulation ? Le joueur éprouve rapidement le même désarroi que le protagoniste. La narration environnementale de SOMA est un modèle, les différents lieux et objets visités dans la station sous-marine donnant plusieurs informations sur l’univers du jeu et son histoire.

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©Frictional Games

Le thème science-fiction qui s’affirme de plus en plus a particulièrement inspiré les designers du son de Frictional Games. Ces derniers usent de bruitages industriels et synthétiques étranges mais parfaitement dans le ton général et toujours réussis. Les décors, mi-organiques et mi-technologiques, ainsi que les différents événements de la station, renforcent l’idée d’une humanité dépassée par sa technologie. Un sujet qui en deviendrait presque plus angoissant que les monstres peuplant l’univers du jeu.

Certains passages vont jusqu’à créer une forme de malaise qui justifierait le fait que l’on désigne SOMA comme un jeu d’horreur existentielle. Le joueur est par ailleurs impliqué dans l’histoire qui lui demandera à plusieurs reprises de prendre des choix d’ordre moraux ambigus. La création de Frictional Games se refuse également le recours à tout jumpscare, misant plutôt sur son thème et son ambiance lourde et diffuse.

L’absence de ressources chiffrées et de nombreuses mécaniques typiquement vidéoludiques montre que SOMA ne cherche pas à briller par son gameplay. Celui-ci s’avère en effet classique, misant essentiellement sur la discrétion et l’observation, nécessaires afin d’échapper aux monstres. Le jeu pourrait même être rattaché au genre du walking-simulator. SOMA propose d’ailleurs un « Safe Mode » dans lequel les monstres n’attaquent pas le joueur lui permettant de mieux se concentrer sur le récit et l’ambiance générale du jeu. L’histoire s’avère de plus en plus intrigante et folle, jusqu’au final qui m’avait laissé scotché sur le canapé à regarder le générique de fin.

Choix moraux et gameplay

Si certaines actions et décisions impactent sur les détails de l’histoire, elles n’apportent pas réellement de points de vue différents sur le scénario et les questionnements philosophiques du jeu. Ce défaut peut cependant être vu dans un autre angle : les choix effectués, souvent d’ordre moraux et ambigus, n’engagent que le joueur. Le jeu décide de ne pas juger ces choix et donc de ne pas adapter son scénario en conséquence. Manette en main, le joueur est seulement laissé seul face à ses décisions et sa conscience qui en découle.

©Frictional Games

Les monstres, variés et qui n’en restent pas moins réussis, demeurent assez répétitifs dans la façon de les contourner et n’introduisent pas de mécaniques de gameplay marquantes. Leur intelligence artificielle n’est pas aussi développée que dans un jeu comme Alien Isolation sorti l’année précédente, en 2014. Il serait cependant sévère de comparer un studio indépendant avec The Creative Assembly (à l’origine du jeu Alien en question) qui possède des moyens bien plus importants. Les quelques énigmes, sans être dénuées d’intérêt, ne laissent pas non plus un souvenir aussi fort que le scénario et la mise en scène.

L’empreinte de SOMA

On ne reviendra ainsi pas à SOMA pour le plaisir de rejouer une séquence particulièrement plaisante manette en main. Les passages se déroulant dans les Abysses sont marquants grâce à une direction artistique très réussie mais pourront facilement être revisionnées en regardant un let’s play par exemple. Cette rejouabilité limitée constitue sans doute le « prix à payer » pour profiter de ce que représente cette oeuvre et de l’empreinte qu’elle laisse sur les joueurs qui se laisseront emporter par les profondeurs de la station Pathos II. SOMA parvient à imprimer ses thèmes et ses réflexions dans l’esprit du joueur au même titre qu’un livre ou un film particulièrement réussi continuant à vivre avec nous sans que l’on ait besoin de le relire ou de le revisionner.

On pourrait même en conclure que si Frictional Games avait fait le choix d’intégrer des mécaniques purement vidéoludiques à ce SOMA (crafting, inventaire, actions de gameplay fantaisistes dans le sens « non-réalistes »), les réflexions apportées par le jeu s’y seraient peut-être retrouvées parasitées. De quoi relancer une nouvelle fois le débat sur la proximité entre jeu vidéo et cinéma (tout en reconnaissant les spécificités propres aux deux médiums). La création de Frictional Games brille en effet surtout grâce à des ressorts qui ne sont pas propres au jeu vidéo, en particulier son écriture et son ambiance. Une chose est sûre, SOMA fait partie de ces oeuvres qui vous restera dans un coin de la tête même des années après l’avoir terminée.

Martin Karpinski

Trop trouillard pour jouer aux survival-horrors jusqu'à mes 18 ans. En 2008, Dead Space fut ma première porte d'entrée vers cet univers. J'ai depuis rattrapé mon retard, tant au niveau des classiques (Resident Evil, Silent Hill...) que des jeux indépendants. Si il me reste encore des lacunes, j'ai cependant créé ce site pour partager ma passion du survival-horror et certaines de mes réflexions. J'écris également pour le webzine Journal du Japon.

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