La sauvegarde dans le survival-horror

La sauvegarde constitue aujourd’hui une action basique de jeu vidéo. Cette fonctionnalité n’a cependant pas toujours existé. Le premier jeu à proposer une sauvegarde sur cartouche date de 1986 et il s’agit du premier titre de la série The legend of Zelda. Auparavant, il fallait donc bien souvent terminer le jeu d’un seul coup. Une prouesse qui nécessitait déjà un jeu pas trop long, mais également de le maîtriser à la perfection.

Les 3èmes et 4èmes générations de consoles avaient également introduit un système de sauvegarde par mot de passe. Il s’agissait donc de noter celui-ci et de le retaper une fois de retour sur le jeu pour revenir au niveau où vous vous étiez arrêté. Une mécanique qui avait cependant ses limites. Ce système n’était par exemple pas en mesure d’enregistrer certains éléments comme l’inventaire ou le nombre de vies du personnage.

Compte tenu de ces limites techniques, les précurseurs du survival-horror tels que Sweet Home (1989) et Alone in the Dark (1992) se sont contentés d’un système de sauvegarde basique. Il était ainsi possible de sauvegarder à tout moment via le menu Start ou le bouton Echap pour Alone in the Dark. Une fonctionnalité qui faisait le travail mais qui bien entendu restait limitée en termes d’interaction avec le joueur. Quel a été le chemin parcouru par le survival-horror et ses systèmes de sauvegarde depuis ? Comment ces derniers interagissent t-ils avec le genre horrifique ?

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Sweet Home proposait de sauvegarder directement via le menu ©CAPCOM

La sauvegarde limitée pour impliquer le joueur

Quelques années après les jeux cités ci-dessus (1996), Resident Evil fait son apparition dans le paysage vidéoludique. On y retrouve déjà un système de sauvegarde plus évolué et intelligent. On ne peut enregistrer sa partie qu’à certains endroits, matérialisés sous la forme d’une machine à écrire. De plus, cette dernière nécessite l’utilisation d’un ruban encreur, accessoire trouvable en fouillant le manoir où l’action du jeu se déroule. Si vous n’avez pas de ruban encreur, vous ne pouvez pas sauvegarder. De quoi faire réfléchir le joueur à deux fois lorsqu’il n’a plus beaucoup de rubans à disposition…

Resident Evil reste relativement généreux en termes de rubans encreurs, du moins si le joueur prend le temps de les rechercher. Cependant, cette contrainte demeure efficace en termes de poids psychologique. Si vous ne connaissez pas bien le jeu, vous n’êtes pas sûrs de combien de rubans encreurs il reste à trouver. Et également de où ils se trouvent… Le joueur peut donc se poser la question de si sauvegarder maintenant vaut le coup, mais s’expose alors au risque de mourir avec une dernière sauvegarde remontant à un certain temps. La sauvegarde implique donc le joueur et s’introduit même dans le gameplay.

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Une salle de sauvegarde du premier Resident Evil ©CAPCOM

D’autres survival-horror ont reproduit ce système de sauvegarde limité. C’est par exemple le cas de la série Yomawari dont le prochain jeu, Lost in the Dark doit sortir en octobre. Tourmented Souls (2021), très inspiré des jeux Resident Evil et Silent Hill, a également eu recours à ce système. L’enjeu est bien entendu de trouver un juste milieu : il doit s’agit d’une difficulté supplémentaire sans pour autant être trop frustrant.

Parfois, mourir un certain temps après avoir réalisé sa dernière sauvegarde peut avoir un effet positif. Cela force en effet le joueur à refaire les actions effectuées, mais peut-être différemment et mieux. Il pourrait ainsi éviter une salle de monstres lui ayant retiré des PV lors de sa dernière partie ou encore tomber sur une zone remplie d’objets utiles qu’il avait précédemment ratée. Force est de constater cependant que cette mécanique de sauvegarde s’est largement raréfiée.

La salle de sauvegarde « apaisante », choix de l’accalmie

D’autres survival-horrors font le choix de proposer une salle de sauvegarde apaisante. Souvent bercée d’une douce musique (mais restant souvent mystérieuse voire mélancolique), elle est sans danger. Ces salles de sauvegarde constituent donc une véritable accalmie pour le joueur. Citée précédemment, le premier Resident Evil correspond également à ce registre. La sauvegarde n’étant cependant pas libre, l’aspect apaisant de ces salles peut s’y retrouver dilué.

D’autres jeux ont également eu recours à cette même logique. Après s’en être éloigné lors des opus précédents, Resident Evil 7 et 8 ont renoué avec la salle de sauvegarde calme. Ces jeux ont souvent recours à la sauvegarde automatique, pouvant atténuer le sentiment libérateur d’enregistrer sa partie. On pourra cependant arguer que le jeu aurait été trop frustrant sur certains passages sans sauvegarde automatique. Comme toujours, il convient donc de trouver le juste milieu. Le sentiment d’apaisement offert par la salle après avoir été poursuivi par Lady Dimitrescu est dans tous les cas bien présent !

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Une salle de sauvegarde dans Resident Evil 7 ©CAPCOM

The Evil Within et Silent Hill 4: The Room semblent également au début du jeu appartenir à cette catégorie. Le premier utilise la composition Clair de Lune de Claude Debussy dans plusieurs salles possédant un miroir. Celui-ci permet d’atterrir dans un étrange hôpital délabré uniquement habité par une étrange infirmière. Si le lieu paraît en premier lieu sécurisant, d’étranges événements finiront par s’y produire.

 

Silent Hill 4, quant à lui, ne permet de sauvegarder que dans l’appartement du protagoniste. Durant la première partie du jeu, celui-ci est parfaitement sain et permet même de récupérer ses PV. Cependant, tout se gâte lors de la seconde car le joueur devra lutter contre des apparitions toutes toutes aussi inquiétantes les unes que les autres…

La sauvegarde intégrée à l’environnement

Dans d’autres jeux, les points de sauvegarde apparaissent de façon régulière, sans disposer de salle dédiée. On peut par exemple penser à Dead Space et ses interfaces futuristes régulièrement intégrées aux murs de l’USG Ishimura. Il est possible qu’un ennemi vous attaque dans la zone de la sauvegarde, maintenant une certaine tension.

Celle-ci est encore plus présente dans Alien Isolation. Il n’est en effet pas rare que le xénomorphe rôde dans un conduit proche de la sauvegarde où vous vous tenez. Il est même possible de vous faire tuer alors que Ripley fille commence à initialiser la sauvegarde… Les développeurs de The Creative Assembly semblent avoir pris un malin plaisir à ce que celle-ci prenne quelques secondes avant de figer le jeu, vous protégeant définitivement de l’Alien. Un poil sadique, mais efficace. D’autant plus que les sauvegardes automatiques sont pour le coup relativement rares dans ce titre.

L’enjeu est aussi de faire en sorte que ces sauvegardes collent parfaitement bien au thème du jeu et ne dénotent pas vis-à-vis de son univers. Les bornes rétro-futuristes de Alien Isolation conviennent ici parfaitement à l’esthétique générale du titre.

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Les bornes de sauvegarde de Alien Isolation ©The Creative Assembly, SEGA

Le survival-horror est sans doute le genre où la sauvegarde a le plus grand impact sur les sensations du joueur. Selon le système utilisé, elle peut être source de soulagement, de crainte, ou encore l’obliger à réfléchir à la pertinence d’enregistrer sa partie. Et parfois, un peu des trois. Il est également possible de l’utiliser pour casser les habitudes du joueur, comme dans Silent Hill 4. Le système sera bien entendu choisi en fonction de ce que l’on souhaitera faire ressentir au joueur.

Martin Karpinski

Trop trouillard pour jouer aux survival-horrors jusqu'à mes 18 ans. En 2008, Dead Space fut ma première porte d'entrée vers cet univers. J'ai depuis rattrapé mon retard, tant au niveau des classiques (Resident Evil, Silent Hill...) que des jeux indépendants. Si il me reste encore des lacunes, j'ai cependant créé ce site pour partager ma passion du survival-horror et certaines de mes réflexions. J'écris également pour le webzine Journal du Japon.

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