Test Alien Isolation : 10 ans plus tard, la peur est-elle toujours là ?

Sorti le 7 octobre 2014, Alien : Isolation fête cette année ses 10 ans. L’anniversaire du jeu concorde également à trois mois près avec la sortie de Alien : Romulus au cinéma. Celui-ci s’inspire d’ailleurs directement du jeu de l’aveu même du réalisateur Fede Álvarez. Ce contexte fait que le titre du studio Creative Assembly est revenu dans l’actualité dans la communauté survival-horror. L’aventure horrifique sous forme de cache-cache avec l’Alien vaut t-elle toujours le coup ?

Jeu effectué sur Xbox 360 en difficulté « Expert »

Une (un peu trop) lente montée en tension

Les premières minutes de Alien : Isolation montrent une volonté de fidélité au film originel de Ridley Scott. Après une rapide cinématique, le joueur apprend (si il ne le sait pas déjà) qu’il contrôlera Amanda Ripley. Cette dernière n’est autre que la fille de la célèbre Ellen interprétée par Sigourney Weaver. Sans nouvelle de sa mère suite aux incidents décrits dans le premier film, elle apprend que la boîte noire du Nostromo, le vaisseau dans lequel Ellen était à bord, a été identifiée par le vaisseau Anesidora et se trouve à la station de Sébastopol. Notre protagoniste se voit alors proposer un ticket pour cette destination, sans se douter de ce qui l’attend (contrairement au joueur).

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Amanda Ripley, fille de ©Creative Assembly, SEGA

A l’image du film de Ridley Scott, Alien : Isolation prend le temps pour installer son ambiance. Après une rapide introduction, Amanda s’introduit dans la station Sébastopol, actant le début de ses problèmes. Cette dernière s’avère en effet être dans une situation déplorable. Entendre les bruits du vaisseau à l’agonie est assez saisissant. Cependant, il faudra attendre pas loin d’une heure pour voir apparaître le célèbre xénomorphe responsable de ce chaos. La première heure de Alien : Isolation est donc essentiellement tutorielle. On y trouve des premières mises en situation d’infiltration et d’utilisation d’outils comme le fumigène.

Cette montée en tension fait son effet lorsque l’on lance Alien : Isolation pour la première fois. Elle reste cependant un poil trop longue, pénalisée par des tâches pas toujours trépidantes : trouver un conduit, activer des générateurs… Une première heure qui pourra aussi décourager de lancer une deuxième partie dans un mode plus difficile, une fois les préceptes du jeu parfaitement acquis.

Organisme parfait ?

Si l’arrivée de l’Alien se fait un peu trop attendre, ce dernier est parfaitement réussi. Capable de se déplacer à peu près n’importe où, rapide, imprévisible et bien entendu létal au moindre contact, la créature est une menace quasi-permanente qui occupe toujours l’esprit du joueur. Ce dernier est ainsi à l’affût du moindre bruit environnant, fausse alerte ou non. Le détecteur, permettant de détecter un mouvement proche, est l’une des grandes réussites du jeu. Il participe en effet grandement à cette tension, apportant des informations sans trop en dire. Ce mouvement devant moi est-il bien l’Alien un humain, ou un robot ? Est-il à l’étage ou à mon niveau ? L’Alien peut-il se rendre dans cette salle ? Le joueur est toujours dans le doute, et ne peut jamais se sentir pleinement en sécurité.

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Rien à signaler ©Creative Assembly, SEGA

Alien : Isolation propose plusieurs points culminants en termes de tension qui restent en mémoire. On pourra reprocher un certain lieu commun à de nombreux survival-horror. A l’image d’un Isaac Clarke dans Dead Space, Amanda est tout au long du jeu envoyée : activer un générateur, rétablir des communications, effectuer diverses réparations, chercher un kit médical, essayer de piéger le xénomorphe… pendant que les PNJ restent sagement assis dans un bureau à lui transmettre des consignes. Il n’en demeure pas moins que la tension reste à un niveau que peu de jeux horrifiques sont parvenus à atteindre.

IA dégénérative et IA adaptative

L’IA est un thème central de Alien: Isolation. Elle est en effet évoquée directement dans le script. Les androïdes conçus par la société Seegson parcourent régulièrement le vaisseau avec un comportement souvent délétère. Supposés « aider » les humains à « vivre une vie plus tranquille et plus zen » (si l’on en croit les publicités audio audibles sur Sébastopol), ces derniers se révèlent souvent être des antagonistes presque aussi dangereux que l’Alien. D’autant plus que les bruits d’un potentiel affrontement avec ces synthétiques appelés « lambdas » risquent d’attirer le xénomorphe.

Bien que souvent effrayants, ces androïdes apportent une touche d’humour assez inattendue à Alien : Isolation. Les entendre interroger l’Alien de leur voix robotique (« Qui êtes-vous ? ») ou encore leur psychorigidité sur les comportements à adopter à Sébastopol alors que la station est en ruine (« Ceci n’est pas autorisé dans cette enceinte », « Courir peut provoquer des accidents »…) est ainsi particulièrement cocasse. Le jeu porte aussi un discours, bien que peu développé mais ayant le mérite d’exister, sur les dangers d’une intelligence artificielle non-maîtrisée, qui serait effectuée à bas coût dans une seule logique de performance économique.

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Un petit sourire pour la photo ©Creative Assembly, SEGA

Mais c’est bien entendu l’intelligence artificielle du xénomorphe qui se révèle marquante. Fruit d’un travail complexe (lire cet article de Gamedeveloper à ce sujet) et évitant l’abus de scripts se comptant sur le doigt de la main, le comportement de l’Alien est l’une des grandes réussites du titre. Utiliser toujours les mêmes subterfuges sera ainsi de moins en moins efficace pour éloigner notre ami extra-terrestre, qui apprend lui-même des comportements du joueur. Cela rend ainsi Alien : Isolation bien plus organique et imprévisible. On pourra simplement regretter que le système de reroutage permettant de modifier un environnement ou de désactiver des alarmes et caméras de vidéosurveillance, n’ait pas été davantage exploité.

L’IA plus forte que l’intelligence humaine ?

Si l’IA de l’Alien est une réussite, on ne peut pas en dire autant de celle des humains. Tirant à tout bout de champ dès qu’Amanda est à leur portée, ils ne semblent pas informés du danger bien plus important rôdant dans les couloirs de Sébastopol. La bête a en effet tôt fait de rappliquer dès que des bruits de tirs se font entendre. Cela a au moins comme conséquence de pimenter certaines situations. Il est en effet possible de faire en sorte que l’Alien s’occupe des humains un peu trop encombrants et de passer tranquillement derrière une fois le massacre terminé. Un procédé de survie un brin cynique, mais parfaitement jubilatoire.

Les humains constituent aussi une petite faiblesse d’écriture du jeu. Au début uniquement décrits comme des opposants cherchant absolument à vous tuer, d’autres s’avéreront parfaitement inoffensifs, sans aucun juste milieu. Si il aurait sûrement été compliqué de conférer un comportement ambigu aux humains, ce passage de l’un à l’autre reste étonnant. Plusieurs humains solitaires répètent également les mêmes phrases communes en boucle. D’autres apparaissent assez détachés, comme si ils attendaient que l’Alien vienne les chercher. Un point qui peut sembler anodin (d’autant plus que les humains restent assez rares) mais qui nuit à l’immersion générale et à la crédibilité de l’environnement.

Crafting, générateurs, et ingénierie spatiale

Le crafting représente une part relativement importante du jeu. Il faudra en effet ramasser des matériaux afin de concevoir des objets particulièrement utiles. Soins, mines IEM (très utiles contre les androïdes), fumigènes, émetteurs de son à lancer pour chercher à éloigner l’Alien… Le système de crafting, qui a le mérite de coller à l’aspect rétro-futuriste du jeu, reste peu intuitif. Une fonctionnalité permettant de connaître les objets possibles à concevoir avec les matériaux à disposition n’aurait pas été de trop.

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Un système de crafting à l’interface volontairement vieillotte compte tenu de l’esthétique rétro-futuriste du jeu, mais qui aurait quand même pu être plus agréable à utiliser ©Sega, The Creative Assembly, 20th Century Fox

Un petit manquement qui reste mineur en comparaison des malheurs de Amanda Ripley. Notre personnage se coltine en effet le déblocage des portes et l’activation des générateurs de l’ensemble de la station Sébastopol. Des actions qui finiront par devenir lassantes dépassée la dizaine d’heures de jeu. Les mini-jeux « hacking » ou l’utilisation d’outils permettant de débloquer certains accès mais nécessitant une bonne poignée de secondes participent à la tension de certaines séquences, lorsque l’Alien ou un androïde traîne non loin.

Leur intérêt est cependant moindre lorsqu’aucune menace ne plane à l’horizon. D’autres séquences dans l’espace, assez courtes, s’avèrent pauvres d’un point de vue vidéoludique. Si les environnements spatiaux sont spectaculaires, l’amorçage de pinces d’amarrage en appuyant sur des boutons ou le rétablissement de communications via des énigmes peu trépidantes cassent le rythme du jeu.

Un dernier tiers un peu en-deçà ?

Alien : Isolation accuse une certaine baisse de rythme passée la première partie du jeu. Après un rebondissement scénaristique, l’Alien est en effet retiré de l’équation durant quelques chapitres se concentrant davantage sur les androïdes. Sans être inintéressante, cette partie du jeu s’avère plus anecdotique. Heureusement, la tension revient à son comble dans un chapitre où l’espèce xénomorphe apparaît plus terrorisante que jamais. Le final est riche en moments intenses, mais aussi en retournements de situation tirant un peu en longueur… Approchant la vingtaine d’heures, Alien : Isolation est un survival-horror particulièrement long. Peut-être un peu trop pour être efficace tout du long. Cependant, lorsqu’il est efficace, il l’est comme peu de survival-horror peuvent se targuer de l’être.

Fétichisme des points de sauvegarde

Impossible de conclure ce test sans évoquer une autre grande star de Alien : Isolation : ses points de sauvegarde. Prenant la forme de téléphones muraux à l’aspect désuet, ils demeurent l’unique moyen de sauvegarder votre progression dans la station Sébastopol, en-dehors de certains checkpoints automatiques occasionnels. Une fois à proximité d’un téléphone, le joueur n’est pas immédiatement rassuré. Il faudra en effet attendre plusieurs secondes avant que la sauvegarde ne soit proposée, précédée par un « bip-bip-biiiiip » iconique. L’attente est parfois d’autant plus longue lorsque l’Alien rôde à proximité. Le joueur n’est en effet pas à l’abri de se faire transpercer avant d’avoir pu sauver sa progression… La mention « Ennemis proches » avertit si un danger existe près du point de sauvegarde, ce qui rend la tension d’autant plus impactante.

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« Tut, tut, tuuuuut » ©The Creative Assembly, SEGA

Le jeu de Creative Assembly n’aurait pas été autant réussi sans ces sauvegardes manuelles. Sans ces dernières, le joueur aurait en effet tôt fait de foncer jusqu’au prochain checkpoint, quitte à se faire tuer par la créature juste après, éliminant complètement la tension… Il s’agit par conséquent d’un bon exemple prouvant qu’un choix à priori secondaire dans un jeu vidéo (comment le joueur sauvegarde sa partie ?) peut avoir un grand impact sur l’expérience qu’il procure.

Conclusion sur Alien : Isolation

Note :

Résumé : Alien : Isolation fait partie des jeux ayant une grande qualité peu commune. Ne se limitant pas à un simple jeu de cache-cache dans les casiers, finalement peu utiles soit dit en passant, le titre de Creative Assembly combine parfaitement les outils mis à disposition du joueur, l'IA de l'Alien, les autres dangers, et l'environnement (conduits, cachettes improvisées...) pour constituer un monument de tension de (presque) tous les instants et de survie qui n'a depuis pas été reproduit (sous réserve d'un jeu qui aurait échappé à ma vigilance). Si on pourra noter des baisses de régime liées à sa durée trop longue et quelques petits manquements tels que le système de crafting ou l'écriture des humains, le titre est toujours aussi pertinent depuis sa sortie en 2014. En espérant que Alien Romulus lui donne une seconde vie plus que méritée, et pourquoi pas un deuxième volet tant attendu.

Martin Karpinski

Trop trouillard pour jouer aux survival-horrors jusqu'à mes 18 ans. En 2008, Dead Space fut ma première porte d'entrée vers cet univers. J'ai depuis rattrapé mon retard, tant au niveau des classiques (Resident Evil, Silent Hill...) que des jeux indépendants. Si il me reste encore des lacunes, j'ai cependant créé ce site pour partager ma passion du survival-horror et certaines de mes réflexions. J'écris également pour le webzine Journal du Japon.

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