Critique The Last of Us Saison 1 : l’humain d’abord

La saison 1 de The Last of Us par HBO aura montré deux visages. Un premier visage presque craintif, maladivement fidèle au jeu d’origine. Et un autre plus audacieux, respectueux de l’œuvre de Naughty Dog, tout en s’en détachant avec réussite. L’épisode 3 et 6 me sont apparus comme les principaux représentants de cette deuxième facette. La plupart des autres épisodes ont apporté quelques détails supplémentaires pertinents. Ils ont cependant souvent souffert de cette sensation de copié-collé. De quoi mener à la réflexion : Qu’est-ce que cela apporte de plus que le jeu, finalement ?

Bien entendu, tout le monde n’a pas été rebuté par cette fidélité presque maladive. Revivre le périple de Joël et Ellie portée par des acteurs convaincants ne se fait d’ailleurs pas sans déplaisir. Il y a cependant un point qui reste tout à fait objectif, et qui aura été critiqué par d’autres : la mise au second plan des infectés au détriment de l’humain.

Attention : l’article dévoile les principaux éléments de l’intrigue.

the-last-of-us-ellie-tess
Ellie et Tess dans l’épisode 2 ©HBO

Les relations humaines, le cœur de la saga The Last of Us

Le matériau d’origine accordait déjà une place importante aux relations humaines. Si The Last of Us bénéficie d’un statut de jeu référence aujourd’hui, ce n’est pas seulement pour sa réalisation de haute volée. Le lien qui se crée entre les deux protagonistes est aussi un élément-clé dans l’appréciation du titre. Difficile de ne pas être pris aux tripes lorsque Joël, mortellement blessé, s’échappe avec difficulté de l’université, soutenu par Ellie. La création HBO a par ailleurs eu l’intelligence de mettre en scène une blessure plus crédible que dans le jeu, où la guérison de Joël apparaît miraculeuse (pour ne pas dire improbable).

Les relations humaines évoquées plus haut ont aussi été traitées sur le thème du conflit. Ce sujet sera encore davantage explicité dans sa suite, The Last of Us: Part II. Naughty Dog a même dans un premier temps envisagé de faire un jeu sans infectés. Les claqueurs étaient ensuite prévus comme les seuls « ennemis champignons » à combattre. Les autres types d’infectés (rôdeurs, colosses…) ont été ajoutés peu de temps avant la sortie du titre, sans doute dans le but de diversifier le gameplay et les situations, tout en ajoutant du lore supplémentaire.

Le thème du conflit est aussi davantage traité dans cette saison 1 par rapport au jeu original. Les enjeux du conflit entre les WLF et la FEDRA sont évoqués plus directement, donnant plus de substance à la séquence de Pittsburgh, mais aussi aux personnages de Sam et Henry.

Une sensation de danger moins présente

Compte tenu de la volonté originale du jeu de traiter des relations humaines, il n’est donc pas si étonnant de voir cette adaptation TV mettre autant de côté les infectés. On pourra regretter que cela empiète sur le sentiment de danger quasi-constant de la création Naughty Dog, peu visible dans la série.

La séquence d’infiltration au milieu des claqueurs dans l’épisode 2 est l’une des rares montrant Ellie et Joël être en danger au contact des infectés. Cette scène était essentielle afin de précipiter la mort de Tess. Elle a cependant sonné comme un hommage un peu vain aux séquences vidéoludiques de The Last of Us. La tension n’est en effet pas aussi forte que manette en main. Par ailleurs, la séquence n’avait que peu d’intérêt narratif pour les spectateurs connaissant le jeu. L’issue est en effet la même que dans l’histoire originale.

the-last-of-us-claqueurs
« Vite Ellie, lance une bouteille au loin pour éloigner ce claqueur comme dans le jeu ! » ©HBO

Les épisodes 3 et 6, pics de la saison 1 ?

Une référence vidéoludique subtile et appréciable

Finalement, les épisodes qui m’ont paru les plus pertinents en tant que passionné de la saga sont le 3ème et le 6ème. Ces derniers ont en effet la pertinence de s’écarter du schéma du jeu, sans pour autant le trahir. On pourra regretter l’absence de dialogues entre Ellie et Bill, particulièrement savoureux dans le titre Naughty Dog. L’histoire racontée à la place fait toutefois clairement oublier ce regret. La durée de l’épisode se concentrant sur un personnage qui n’apparaîtra plus par la suite a parfois été critiquée. Cependant, on peut répondre à cet argument par le fait que la quasi-totalité des personnages croisés par Joël et Ellie au cours de leur voyage, mis à part les habitants de Jackson, (dans la série comme dans le jeu) n’avaient de toutes façons pas vocation à réapparaître.

De nombreuses adaptations vidéoludiques proposent un clin d’œil trop appuyé ne faisant pas sens dans le récit. On pense par exemple au passage à la première personne dans l’adaptation de Doom (2005). Une référence n’ayant pas la prétention d’être subtile, mais qui était aussi peu adaptée au médium cinématographique. Et surtout, tellement jetée à la figure qu’elle a plus comme effet de faire sortir du film.

La lecture de la lettre lue par Ellie à Joël à la fin de l’épisode est ici un hommage particulièrement réussi et audacieux aux jeux. Lire les lettres témoignages des survivants est en effet l’un des éléments narratifs les plus efficaces des jeux. Ici, la lettre témoignage (écrite par des inconnus dans les jeux) sert directement le récit. L’idée que Bill, sur le point de mourir, écrive celle-ci à destination de Joël fait en effet complètement sens.

the-last-of-us-lecture-lettre
La lecture de la lettre à la fin de l’épisode 3 est l’un des beaux moments de réussite de cette saison 1 ©HBO

L’épisode 6, une transition vers la saison 2 ?

L’épisode 6 constitue également l’une des réussites de cette première saison de The Last of Us. La société de Jackson est décrite de façon bien plus complète que dans le premier jeu de la saga. En décrivant cette société comme elle l’est au début de Part II, cet épisode amorce directement la saison 2. On y aperçoit d’ailleurs un personnage qui semble être Dina durant quelques secondes. L’épisode est principalement mélancolique. Joël fait part de sa fatigue et de ses doutes en sa capacité à protéger Ellie. Cette dernière en apprend davantage sur le sombre passé de son coéquipier.

Cet épisode apporte cependant aussi de l’espoir. Jackson est parvenue à faire revivre une partie de la société d’avant, en s’inspirant des principes de l’économie collectiviste. Le communisme est d’ailleurs expressément cité comme modèle de société ! Ce mot est d’abord utilisé avec un certain scepticisme par Joël et Tommy, puis de façon plus affirmée par Maria. La population a aussi de nouveau accès à la culture cinématographique.

L’épisode 6 a le mérite de trancher avec les habitudes du genre post-apocalyptique, montrant qu’il peut être possible de faire société autrement que par le passé sans recourir à la barbarie et à l’autoritarisme. Ces derniers thèmes sont cependant bien abordés dans d’autres épisodes de cette saison 1 de The Last of Us (4, 5, 8 notamment).

the-last-of-us-cinema-jackson
La salle de cinéma de Jackson ©HBO

Trop de fidélité tue la fidélité ?

Malheureusement, la saison 1 n’a pas toujours eu l’audace de ces deux épisodes. Se contentant de reproduire les dialogues et images du jeu, parfois ligne par ligne et plan par plan, certains passages ont donné le doute sur la véritable plus-value de cette adaptation. C’est notamment le cas du dernier épisode. La transformation de Joël en John Wick assassinant froidement les lucioles peut être compréhensible dans le jeu vidéo. On ne demande pas au médium vidéoludique (sauf certaines personnes) une crédibilité à toute épreuve. L’essentiel reste en effet de vivre une expérience manette en main. Joël y tue d’ailleurs un nombre d’ennemis bien plus important que dans la série.

La suspension consentie de l’incrédulité (lire la définition) est en revanche moins permissive pour les œuvres cinématographiques ou télévisuelles. On peine ainsi à imaginer qu’il n’y ait pas au moins eu une luciole pour abattre froidement Joël dans son dos. On aurait apprécié que la série trouve un moyen de faire en sorte que l’anti-héros de The Last of Us se contente de tuer le docteur et Marlene avant de délivrer Ellie. Un acte qui aurait suffit pour amorcer les péripéties de la saison 2.

the-last-of-us-joel-rouge
Comme dans le jeu, Joël voit rouge. ©HBO

Ce choix est d’autant plus étonnant que la fin de l’épisode 6 met en scène Joël ne tuant qu’un seul de ses assaillants. Dans le jeu, cette séquence lui accorde bien plus de morts à son actif. Cette décision avait évité la sensation de voir le personnage de Joël se muer en tueur abusivement infaillible. Une logique qu’il aurait été à mon goût judicieux de conserver aussi pour ce dernier épisode.

The Last of Us Saison 1 : une réussite relative ?

Cette saison 1 de The Last of Us reste globalement une réussite. L’univers est reproduit de façon convaincante malgré des infectés en nombre réduit. Le duo d’acteurs composé de Pedro Pascal / Bella Ramsey fonctionne, reproduisant bien la synergie entre les deux personnages du jeu. L’épisode pilote avait d’ailleurs su se montrer convaincant. Si il était aussi très fidèle à Naughty Dog, il s’affranchissait cependant de certaines intrigues moins intéressantes (celle de Robert principalement).

De façon générale, les épisodes les plus fidèles proposaient tout de même quelques ajouts ou modifications mineures. Le fait qu’Ellie se procure elle-même une arme au lieu d’attendre que Joël ne le lui autorise était par exemple pertinent. On sent une volonté louable d’éviter le piège de la redite pure et dure du jeu. Celle-ci aurait cependant pu être davantage employée, notamment lors de l’épisode final.

Il est aujourd’hui déjà connu que la saison 2 n’adaptera pas la totalité de The Last of Us: Part II. On espère qu’à l’image du second jeu, HBO aura le goût du risque afin de poursuivre l’histoire de Joël et Ellie. Quitte à froisser une partie des téléspectateurs, comme sa suite vidéoludique l’avait faite pour ses joueurs ?

Martin Karpinski

Trop trouillard pour jouer aux survival-horrors jusqu'à mes 18 ans. En 2008, Dead Space fut ma première porte d'entrée vers cet univers. J'ai depuis rattrapé mon retard, tant au niveau des classiques (Resident Evil, Silent Hill...) que des jeux indépendants. Si il me reste encore des lacunes, j'ai cependant créé ce site pour partager ma passion du survival-horror et certaines de mes réflexions. J'écris également pour le webzine Journal du Japon.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *