Test rétro : Resident Evil 5 (2009)

Quelques années après le succès tant critique que commercial du 4ème opus, Resident Evil 5 est attendu au tournant. Si les ventes seront au rendez-vous, ce titre ne bénéficiera pas sur le long terme de l’aura de son prédécesseur. Les critiques de l’époque notaient déjà une prépondérance de l’action au détriment de l’horreur. Phénomène que l’on aura également pu observer dans la dernière zone de Resident Evil 4. Mis à part les Regeneradores et un petit jumpscare, le niveau de l’île se révélait en effet maigre en ambiance horrifique. Près de 15 ans plus tard, que retenir de ce cinquième épisode ?

Un Resident Evil qui ne cherche pas à faire peur ?

Ce qui peut sembler le plus étonnant dans ce Resident Evil 5, c’est qu’il se déroule presque exclusivement en plein jour. Ou, quand il fait nuit, dans des décors bien éclairés… Susciter la peur alors que le joueur évolue en pleine lumière peut être un défi intéressant. Cependant, ce 5ème épisode ne semble à aucun moment à chercher à faire peur. Il y a bien de la tension, certes, par exemple quand un ennemi armé d’une tronçonneuse nous court après. Mais l’ensemble reste assez juste en sensations fortes.

La direction artistique de Resident Evil 4 est parvenue à rendre certains lieux du jeux iconiques même près de 20 ans plus tard. On pense par exemple au cimetière, au village, ou encore à l’arrivée au château. Celle de Resident Evil 5 apparaît comme bien moins inspirée (ou travaillée ?).

Un joueur accompagné et rassuré

Plusieurs éléments laissent en effet à penser que le titre n’a même pas vraiment cherché à inspirer la peur. Le fait d’être accompagné par un joueur ou une IA en est le plus évident. Tout sentiment d’isolation est en effet retiré. Entendre Sheva s’exclamer « Nice shot! » après avoir infligé un tir à la tête d’un ennemi montre que le jeu semble s’assumer avant tout comme un titre d’action à couloirs.

Si Resident Evil 4 était déjà très linéaire, on se rappelle de certains passages marquants nécessitant de revenir sur ses pas. Le retour au village plongé dans la nuit peuplé de nouveaux ennemis proposait par exemple une ambiance horrifique saisissante. L’arrivée au château constituait aussi une réussite en termes d’atmosphère. Ici, on enchaîne les zones et les combats dans des arènes sans être surpris ou saisis par une ambiance particulière, comme si il fallait maintenir le joueur dans un certain confort. Difficile une fois le jeu terminé de se rappeler d’une zone de Resident Evil 5 véritablement marquante.

Même le sound-design de Resident Evil 5 semble être fait pour rassurer le joueur. A titre d’exemple, utiliser des plantes ou un kit de soin produit un « pschiit » particulièrement satisfaisant et rassurant. Le tout accompagné d’un remerciement ou d’un conseil de notre partenaire. L’étrange et inquiétant marchand d’arme du précédent opus est quant à lui remplacé par un inventaire purement fonctionnel.

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Le troll de RE4 dans lequel il était déjà échappé du Seigneur des anneaux fait son retour (à noter une subtile indication au cas ou le joueur n’aurait pas compris tout seul son point faible…) ©CAPCOM

L’Afrique, oui, mais pas trop quand même

Impossible de ne pas penser à l’héritage de son prédécesseur en parcourant Resident Evil 5. Ce dernier a en effet clairement été pensé comme une suite fidèle reprenant les grands principes du titre piloté par Shinji Mikami. Le cadre de l’Afrique permet cependant de dépayser le joueur après l’Espagne du titre précédent (Espagne évoquant davantage un pays d’Europe de l’est du 19ème siècle soit dit en passant…). Ce dépaysement fonctionne surtout lors de la séquence nécessitant d’utiliser un bateau pour parcourir plusieurs petites îles. Cette dernière est d’ailleurs sans doute une des plus réussies du jeu.

Malheureusement, le titre finit par tourner de plus en plus le dos au Berceau de l’Humanité. On visite dans un premier temps un temple faisant davantage penser à l’Amérique du Sud et à des civilisations incas. Surtout, la deuxième partie de Resident Evil 5 use de plus en plus de décors terriblement génériques. Le jeu finit par se contenter de longs couloirs industriels sans personnalité n’ayant plus rien à voir avec l’Afrique.

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Un des nombreux couloirs sans personnalité prenant place dans la seconde partie du jeu ©CAPCOM

Resident Evil 5, un jeu d’action déjà dépassé à l’époque ?

Que la série ait à l’époque souhaité prendre le train de l’action peut se comprendre d’un point de vue commercial. Ce tournant action a d’ailleurs été pris suite aux ventes jugées décevantes du remake du jeu originel sur Game Cube. A la fin des années 2000, le survival-horror classique fait en effet plutôt grise mine. Au contraire, les jeux d’action-aventure de studios AAA (Naughty Dog, Rockstar…) sont de plus en plus populaires.

Le problème demeure que même en tant que jeu d’action, ce Resident Evil 5 accuse déjà un certain retard. Le fait de ne pas pouvoir tirer en se déplaçant, déjà évoqué à l’époque, apparaît comme encore plus désuet. Cette mécanique laisse à penser que l’équipe de développement a voulu conserver cette philosophie de déplacement rigide caractéristique de la saga Capcom. Le problème est que cela ne sied pas tellement à un jeu proposant une action particulièrement débridée. Un déplacement rigide est intéressant afin de maintenir la tension dans une ambiance horrifique. L’horreur étant de toute façon quasi-absente de cet opus, assumer pleinement son statut de jeu d’action eut été sans doute plus judicieux. On se retrouve au final avec un titre semblant partagé entre la volonté de s’inscrire dans l’action tout en étant conscient de ses racines horrifiques, et ne s’en détachant donc pas totalement.

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Les bidons rouges explosifs, ce grand classique du jeu d’action ©CAPCOM

Ce cinquième épisode souffre surtout de la comparaison avec d’autres titres de son époque. Sorti en 2008, Dead Space avait montré qu’il était possible de concilier action et ambiance horrifique. Sorti 6 mois après Resident Evil 5, Uncharted 2 avait aussi bouleversé l’industrie de par la fluidité de ses scènes d’action et reste aujourd’hui une référence, même si la comparaison reste moins pertinente de par la différence entre les deux sagas.

Note :

Résumé : Tout n'est pas à jeter dans ce cinquième opus. Les scènes d'action et certains boss restent plaisants à jouer, suffisamment du moins pour terminer l'aventure (malgré un Albert Wesker de plus en plus nanardesque). Cependant, le titre manque de cachet artistique et d'innovations en termes de gameplay pour être plus qu'un plaisir coupable. Cela explique le fait que l'héritage de Resident Evil 5 soit aujourd'hui très dérisoire pour ne pas dire inexistant. En attendant un remake potentiel qui viendrait corriger ses principaux défauts ?

Martin Karpinski

Trop trouillard pour jouer aux survival-horrors jusqu'à mes 18 ans. En 2008, Dead Space fut ma première porte d'entrée vers cet univers. J'ai depuis rattrapé mon retard, tant au niveau des classiques (Resident Evil, Silent Hill...) que des jeux indépendants. Si il me reste encore des lacunes, j'ai cependant créé ce site pour partager ma passion du survival-horror et certaines de mes réflexions. J'écris également pour le webzine Journal du Japon.

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