Test Detention : horreur, politique et dépression

Sorti en 2017, Detention propose un voyage horrifique dans une école de Taïwan des années 60. Une époque peu propice aux libertés individuelles. En effet, la loi martiale a été promulguée depuis plusieurs années par le Président Tchang Kaï-chek. Cette loi martiale donne lieu à ce que l’on appelle la période de la Terreur blanche. Plus de 100 000 personnes résistant au gouvernement nationaliste de Taïwan sont ainsi emprisonnées, et plusieurs milliers d’entre elles exécutées. C’est dans ce contexte que Detention nous propose de prendre le contrôle de deux élèves d’une école taïwanaise.

Detention, un voyage horrifique court mais dépaysant

D’une durée de quelques heures, Detention capte rapidement l’attention de par sa particularité esthétique. Le rendu visuel joliment délavé et les animations en 2D donnent parfaitement corps à cette version cauchemardesque de l’école. On ressent aussi l’influence de la musique orientale dans la bande-son, ce qui contribue au dépaysement ressenti. Le sujet du jeu renvoie également à une période assez méconnue de l’histoire.

Issus du folklore asiatique, les monstres sont d’autant plus effrayants pour un joueur occidental peu coutumier du fait. D’autant plus que leur apparition est accompagnée d’une bande-son efficacement déroutante. On pourra cependant regretter que le bestiaire s’avère finalement assez peu étoffé.

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Des documents à ramasser vous aideront à éviter les esprits malfaisants de l’école ©Red Candle Games

Detention pourra également évoquer certains épisodes de Silent Hill. Si l’aspect exploration est quasiment-absent contrairement aux deux premiers épisodes de la saga KONAMI, on y retrouve le thème d’un personnage torturé par son passé arrivant à l’étape du purgatoire. Les énigmes de la première partie nécessitant d’utiliser les objets ramassés renvoient également à la ville maudite.

A noter que Detention se rapproche plus d’un jeu horrifique plutôt que d’un pur survival-horror. En effet, la mort n’est pas punitive. Il est de plus facile d’éviter les quelques esprits rencontrés dans l’école.

©Red Candle Games

Horreur et narration

Plus Detention avance, plus l’aspect horrifique s’efface au profit de la narration. On pourra regretter cela tant l’ambiance lourde et glauque était réussie. Cependant, l’écriture s’avère elle aussi très efficace. On y évoque ainsi plusieurs thèmes tels que la désagrégation familiale et ses conséquences, la dépression et évidemment la politique. Le tout en seulement quelques heures, sans qu’il n’y ait de sensations de remplissage. La « True Ending » parvient même à susciter l’émotion, fait plutôt rare pour un jeu horrifique. Cet aspect narratif poussé a d’ailleurs donné naissance à une adaptation cinématographique sortie en 2019.

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©Red Candle Games

Un univers qui aurait mérité plus ?

J’ai cependant terminé ce Detention avec une légère frustration. Il n’est pas selon moi pertinent de juger un jeu sur sa durée de vie, surtout pour des jeux indépendants. A titre d’exemples, Inside et Journey parviennent à délivrer des sensations ou un message fort en moins de 3 heures. D’autres jeux sont au contraire très longs mais proposent un dernier tiers moins convaincant. C’est par exemple souvent le cas pour les titres de la série Resident Evil.

Detention, quant à lui, parvient tellement à marquer de par son ambiance singulière qu’on aurait aimé en voir un peu plus. Si il est difficile de reprocher cela à un jeu indépendant, une heure supplémentaire de durée de vie n’aurait pas été de trop. Les esprits du bestiaire m’ont notamment semblé sous-exploités. Cependant, Detention bénéficie de bien d’autres qualités justifiant d’essayer cette expérience.

Le studio Red Candle Games à l’origine de Detention a sorti en 2019 un second jeu, Devotion, se déroulant quant à lui dans le Taïwan des années 80. Ce dernier, mis à part l’utilisation de la première personne, semble avoir été réalisé dans un état d’esprit similaire à Detention. Malheureusement, une référence controversée à Xi Jinping a fait que le jeu a été retiré de Steam… Le studio n’est ensuite pas parvenu à sortir le jeu sur le concurrent GOG. Le seul moyen d’y jouer est donc de l’acheter sur le magasin du studio (uniquement sur PC).

Note :

Martin Karpinski

Trop trouillard pour jouer aux survival-horrors jusqu'à mes 18 ans. En 2008, Dead Space fut ma première porte d'entrée vers cet univers. J'ai depuis rattrapé mon retard, tant au niveau des classiques (Resident Evil, Silent Hill...) que des jeux indépendants. Si il me reste encore des lacunes, j'ai cependant créé ce site pour partager ma passion du survival-horror et certaines de mes réflexions. J'écris également pour le webzine Journal du Japon.

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